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Extraits du « Le sacre du dragon vert », pour la joie de ne rien être, d'Eric Baret



… La souffrance est psychologique. C’est toujours lié à l’idée de soi-même, l’idée d’une forme de moralité, de conformité. On prétend que l’on ne peut pas vivre comme cela, avec tel environnement, avec tel corps, avec tel passé, avec tel futur, parce que l’on a l’image que les choses devraient être autrement; on a l’image qu’il ne devrait pas y avoir de violence, de mauvais traitement, de maladie, de mort, de père abusif, de mari ceci, cela. Il ne devrait finalement rien y avoir. On ne tolère rien !


Quand on se rend compte que tout est tolérable, quand on ne cherche plus à éviter la souffrance, la violence, l’injustice, autre chose se passe : quelque chose s’ouvre. La beauté, la tranquillité apparaissent. Mais il faut d’abord quitter l’image que les choses devraient être autrement, quitter l’image qu’il y a quoi que ce soit à changer – c’est de la violence – quoi que ce soit dont il faille se libérer, même se libérer, même se libérer de l’image.


Il n’y a rien à changer dans la société, dans le monde, dans la souffrance dans la violence. Il suffit de profondément comprendre, regarder. Il n’y a rien d’injuste, sauf le regard. Tour le reste est une histoire, un conte de fées. La souffrance est le plus grand révélateur. C’est cela qui amène à l’ouverture.


Pourquoi vouloir se priver, pour quoi vouloir échapper à la violence, à la maladie, à l’angoisse ? C’est cela qui amène un questionnement, qui fait que l’on ne va pas passer sa vie dans des situations où on pourrait être satisfait des différentes mondanités de l’existence. Pourquoi vouloir se libérer de la souffrance, de la violence, de la dépression ? Ce sont des cadeaux que l’on reçoit pour interroger. Il n’y a rien à changer là-dedans. C’est parce qu’il y a une forme de maturation, d’ouverture, que ces cadeaux viennent.


Penser qu’il faut se libérer de la souffrance, se libérer de la violence, c’est cela la violence. C’est une forme d’ajournement. Il n’y a rien dont on doive se libérer. L’image est absolument nécessaire ; quand elle a rempli son rôle, elle s’élimine, comme le reste.


Vivre avec ce qui est là est la démarche spirituelle ; ce n’est pas chercher à transformer, à changer, à se libérer. Ces choses font partie de la psychologie, c’est une fuite en avant. Il s’agit de vivre avec ce que l’on ressent et non de vivre avec le corps hypothétique, avec le corps que l’on devrait avoir, que l’on voudrait avoir, mais avec le corps qui est là. Vivre avec ce qui est ressenti, pas avec un psychisme hypothétique, tranquille, purifié, qui devrait être comme ceci et comme cela, qui devrait être ouvert. Non.


Vivre avec ce qui est là : avec l’agitation, la peur, la dépression. Accueillir ces éléments amène la transformation. Pas de place pour un quelconque changement, pour un quelconque cheminement ; uniquement vivre avec ce qui est là. Ce qu’il y a là n’est pas autre chose que la beauté, mais cela demande à être écouté, à être regardé. Toute tentative pour se libérer est la souffrance.


La seule possibilité de se libérer d’une perturbation émotive est de la ressentir. En général, les êtres humains pensent leur émotivité ; à ce niveau, aucune liberté n’est possible. C’est dans le ressenti de la peur, de la colère, de l’anxiété, de la jalousie ou de la culpabilité que l’émotivité se libère. L’émotivité est corporelle.


La pensée a sa propre beauté, mais elle n’a pas la capacité de nous libérer de l’émotivité. La pensée peut en ajourner certains éléments, mais elle ne peut pas amener à une véritable intégration de l’émotivité. Vous pouvez lire un très veau livre sur le zen, devenir bouddhiste et oublier temporairement votre colère ou votre anxiété, mais l’émotivité reviendra. Alors que si vous vous rendez disponible sensoriellement, il y aura vraiment une voie de sortie pour l’émotivité.

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